LA SENSIBILITÉ INTUITIVE : INTRODUCTION À LA COMMUNICATION ÉQUINE

 

Commençons par le silence, celui qui nous indique que notre présence se suffit à elle-même. Le cheval s’inquiète de celui qui ne l’entend pas respirer. Il sent l’odeur du silence. Alors, il se rapproche et s’immobilise. Son soupir annonce un discours sans paroles pour une relation en train de naître. À pied comme à cheval, le soupir recomposera le lien perdu. Dans ces moments, on pourrait croire qu’il existe un instinct spirituel capable de créer une attirance entre des corps assez sensibles pour le ressentir. La loi d’attraction reste bien étrange. Dans les relations interespèces s’entremêlent des mémoires.


Et puis qu’est-ce qu’un cheval peut sentir d’un corps en position toute croche, de l’impatience des jambes, de la rigidité dorsale, des raidissements et des battements cardiaques qui s’accélèrent au moindre mouvement, noyé dans ce qui nous trotte dans la tête ?


Aucune communication intuitive ne s’établira sans que l’instinct n’y participe. Limitez les structures à l’essentiel ! La peur de l’animalité disparaîtra naturellement, la sienne comme la nôtre.


J’attire votre attention quant à la manière de produire un effet simplement par la formulation claire de nos intentions, ce qui suppose que le cheval possède la faculté de les lire avant même le passage à l’acte. S’il se ferme mentalement à la moindre commande, il ne répondra pas. Il vous faudra alors lui redonner sa sensation de liberté. Méfiez-vous des espaces restreints.


La transition arrêt/trot servira d’exemple : placez-vous à côté de votre cheval. Si vous utilisez une longe, aucune pression ne doit être exercée. Prenez le temps pour vous calmer. Si votre cheval ne tient pas en place, marchez avec lui aussi longtemps que nécessaire, avec très peu d’arrêts.


Attendez le soupir avant de commencer tout travail. Faites la même chose quand vous le montez. Regardez par terre pour signifier que vous n’avez aucune intention ; ralentissez votre respiration ; puis, redressez-vous et scrutez au loin ; soyez prêt ; formulez votre volonté sans élever votre énergie, celle de passer de l’arrêt au pas. À moins que le cheval place ses postérieurs sous lui et se bloque, il lira votre proposition et s’exécutera une fraction de seconde avant vous ; ne cherchez pas le contrôle ; allez-y !


Cela dit, la communication intuitive devient facilement brouillée selon la complexité des manœuvres demandées. En fait, la manipulation doit être réduite à son minimum par l’allégement des aides et la maîtrise progressive des déséquilibres.

Pour cette raison, le travail au sol inclut un ensemble d’exercices évoluant vers le zéro pression sans jamais l’atteindre et donc propice aux échanges intuitifs.


La hausse de notre énergie détermine si le cheval sera ouvert à cette lecture. L’humain a tendance à retenir son souffle, et ajoute à son expression une volonté de puissance au moment de communiquer ayant pour effet de faire grimper la force trop rapidement. Soyez certain que votre équidé lira votre comportement et même l’augmentation de votre rythme cardiaque si vous le montez.


En fait, c’est le plaisir qu’il faut rechercher en premier, ce que vous aimez faire ensemble naturellement. Là débute le véritable partenariat. De plus, le jeu demeure une occasion de voir les tendances. Bien qu’il soit possible de pratiquer une discipline qui ne nous correspond pas, vous avez avantage à suivre ses points forts et son talent, autant que les vôtres, tout en restant ouvert à la créativité.

La relation à l’environnement devrait commencer le plus tôt possible. Lorsque le cheval se sentira chez lui dans le bois, près des lacs, des montagnes, accoutumé au langage de la forêt, cela deviendra son plus beau plaisir, sa plus grande détente. Sa sensibilité rejoindra l’âme de la nature pour s’y ancrer. Sa musculation se fera sans forcer outre mesure. Finis les exercices répétitifs imposés dès le début. Il prendra l’air du vagabond, comme vous, sous la lumière du soleil, de la lune et des étoiles sans lesquelles, sa flexibilité mentale se cristalisera à petits feux.


N’ayez pas peur du ridicule lorsque votre intelligence s’emballe pour faire de votre animal une muse, un totem, une licorne, un centaure, un hippocampe… Toutes ces images que l’on devrait rendre vivantes avant de devenir insensible à l’invisible. Pas besoin d’être indien ou chamane pour le comprendre. Sans imagination, aucune découverte ne se fera quoiqu’en dise la rationalité qui nous caractérise.


Par ailleurs, s’il existe un comportement messager chez le cheval, c’est bien celui qui s’exprime par son émotivité. Le pas nous apprend à nous accorder au mouvement des corps physiques dans l’espace. Toute la vie affective développe sa qualité essentielle dans la fluidité du pas. Son rythme nous stabilise. Toute bonne interaction débute à pied. Aucune action ne peut être entreprise et aucune communication intuitive ne peut s’établir sans avoir atteint cette zénitude.


Le langage de la nature se compose de signes. Servez-vous des ressentis de l’odeur. Après tout, qui peut réaliser que l’invisible se perçoit essentiellement par le nez et que le lien qu’il crée détermine l’intimité d’un rapport, voire même son fondement social ? Il évoque d’autres effluves, de diverses relations, et différentes intimités qui étrangement ont influencé notre vie. Laissez-les remonter à la conscience. Elles vous parlent de ce que vous traversez. Même les plantes ont des capteurs intuitifs.


Bien sûr, vous trouverez des ressentis plus pénibles, comme ceux du trot heurté qui nous éduquent sur les tares et les boiteries de notre partenariat, ceux avec lesquels nous apercevons les points forts et les points faibles de notre condition et qui demandent de nous alléger de certains problèmes, ceux cachés dans la désorganisation de nos organes, siège du stress et de la douleur physique…


Le sol lui-même est porteur d’énergie tellurique et de veines d’eau que le cheval, dit en passant, ne pourra pas ressentir avec des fers aux pieds. Le pèlerinage s’annonce long avant de faire un avec les écosystèmes. Surtout que la conscience finit par se rétrécir à ce qui lui manque, laissant de côté les phénomènes naturels au profit d’une ambition axée sur les résultats plutôt que sur le processus.


Branchez-vous sur les sens du cheval pour aiguiser les vôtres !


À pied ou en selle, apprenez-lui à suivre votre corps. Au niveau du rythme, provoquez des accélérations et des ralentissements jusqu’à ce que le cheval s’y adapte.


Faites une courte randonnée de jour au cours où vous allez changer de sentier, soit de direction, au moins une fois. Faites demi-tour et laissez-le vous reconduire à la maison ne conservant que son mouvement d’avant. L’exercice pourrait s’étendre sur plusieurs kilomètres. Si vous réussissez, répétez l’expérience de nuit.


Si le cheval a une vision performante la nuit, l’odorat est ce qui lui permet de reconnaître et de remonter une piste. Encouragez sa curiosité naturelle. Beaucoup de chevaux en sont privés. Nous leur enlevons leur liberté de mouvement.


Le goût. Dans ce domaine, le cheval apprend par imitation des plus vieux. Si ce n’est pas le cas, il peut se laisser tenter par n’importe quoi. Vous devrez donc faire un effort pour identifier les plantes non comestibles. Malheureusement, vous n’aurez d’autre choix que d’encadrer votre animal.


Le toucher. Pour conserver le mouvement d’avant à cheval, suivez le rythme du pas en ressentant avec votre assiette les moments ou les postérieurs sont à l’appui. Vous sentirez un déhanchement. Ne le forcez pas. Relaxez. C’est un massage.


La position des oreilles nous signale un certain nombre d’informations. Par observation, le meneur devra apprendre à les décoder :

les oreilles tournées vers l’extérieur, relâchées, suivant le mouvement de la tête, nous mentionnent une absence de stress ;

plaquées sur la nuque veulent dire protection et hostilité, quelque chose doit cesser ou s’éloigner ;

virées vers l’arrière, mais non plaquées témoignent que le cheval est concentré sur ses sensations corporelles, comme les bruits internes, la douleur, la pression de la selle;

il peut anticiper l’action du cavalier et devenir inquiet ;

il peut porter son attention à ce qui se trouve derrière lui ;

une oreille fixée sur un individu, un objet ou toute autre forme

de contrainte montre qu’il est attentif par respect ou par

crainte, l’autre oreille est généralement dirigée vers l’avant ;

lorsque le cheval observe ce qui se passe devant lui, les oreilles sont pointées vers l’avant ;

la mobilité constante des oreilles est un signe de stress et une incapacité d’être attentif à nos demandes ;

oreilles pointées, fixes, qui bougent occasionnellement, sans direction précise quand un événement survient nous indiquent que le cheval est détendu.

Il est aussi possible d’éduquer l’oreille du cheval pour réaliser les points de tension que nous exerçons sur lui consciemment ou inconsciemment. Dans ce sens, il nous apprend à rester en équilibre. Il tourne l’oreille dans la direction de la pression exercée. À noter qu’il y aura toujours un signe de l’oreille avant l’exécution d’un mouvement et toujours un signal avant de passer à l’acte. Un comportement qui peut durer quelques secondes ou plusieurs jours avant de devenir intolérant.


L’allure du trot nous rappellera notre condition physique. Un combat contre les tensions psychiques qui se logent dans l’absence d’abdominaux et la rigidité du bassin et du dos, miroir de notre partenaire. Malgré l’utilisation du trot enlevé, l’allure nous fera éprouver une succession de réactions émotives à l’image des nombreux petits déséquilibres affectant la fluidité du mouvement.


Lorsque les premiers galops arriveront, le sentiment de liberté laissera place à la résistance qu’elle provoque. En fait, il serait préférable de laisser votre monture décider de son passage du trot au galop. Fuir la jambe, l’éperon, la cravache, la domination, fuir la peur du cavalier, la relation corporelle aura le dernier mot.


Bref, si votre cheval trouve son ancrage dans la nature et y prend plaisir au point d’en redemander, vous pourrez par la suite faire tout ce que vous voudrez avec lui. Peut-être même, accéder à une autre dimension de la communication intuitive.


À suivre…

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